C’est dans le cadre d’un concert novateur organisé par Rhythm And Town à la Flèche d’Or le 27 mai dernier que j’ai eu le plaisir de croiser Sabine. Nous faisons connaissance entre deux concerts. J’apprends qu’elle voue une admiration sans borne pour Raphaële Lannadère qu’elle attend patiemment de voir sur scène. Elle en parle si bien, je lui propose alors de lui laisser la plume pour une chronique sur le blog, elle accepte. Compte rendu de concert, chronique d’album et pour finir petite interview…merci Sabine pour cet article ultra complet sur une artiste qui promet une belle carrière musicale.
Voilà un petit bout de femme qui ne manque pas d’air… ni de voix. Du bout de ses lèvres humidifiées par l’atmosphère moite de la Flèche d’Or ce soir-là, tenue sur ses deux guiboles tel un elfe délicat, Raphaële Lannadère chante. Elle chante à l’oreille de chacun, nous livre des secrets, sans triche et sans chiqué, pas un brin fardée… même si, nous dit-elle au début du concert, on l’a poudrée beaucoup tout à l’heure « pour pas qu’ça brille sur la vidéo ».
Noyée dans le public, j’ai le sentiment d’être toute seule tellement elle s’adresse à moi, tellement elle me raconte ses histoires à elle. Histoires de plastique, de paradis, d’îles et d’étrangers… évoquant avec une infinie poésie des sujets très actuels et parfois durs : la lutte contre la mafia sicilienne (Gela), la disparition de la chanteuse Lhasa (Sur mon île), ou encore l’asphyxie des océans par les vilains Phtalates. Les chansons de Raphaële Lannadère s’enchaînent tout naturellement et nous embarquent à la dérive dans des nuées qu’elle seule sait tisser. Normal, car c’est elle qu’elle nous fait traverser, comme un joli ruisseau plein de rêves sur lequel on se laisserait glisser encore et encore. Et on se mouille vraiment à ses eaux, parfois troubles, parfois salées… parce qu’L, elle met sa peau sur la table, son cœur sur sa main, main tendue le public, l’invitant à lui dévoiler son dedans, avec pudeur et malice. Et ça, c’est très précieux… Pas si souvent les artistes qui nous font approcher leur vérité nue, sans fioritures ni formats… Un souci d’honnêteté, peut-être, qui fait un bien terrible à une époque où les standards font florès.
L. le second album de Raphaële Lannadère.
4 ans après son 1er album, Initiale, donc, elle office sous sa véritable identité comme pour être encore plus elle, justement. Les textes sont plus libres, il semble, moins façonnés par des recettes (quoiqu’ils fussent sublimes à l’époque, déjà). La musique, elle, est cette fois-ci empreinte de textures électroniques abyssales et sourdes comme les océans qu’elle décrit, contrastant avec sa voix perchée mais non moins profonde.
C’est son complice Julien Perraudeau qui a ciselé la mise en forme des musiques de l’album. Pour ce qui est des mots, c’est Raphaële qui les fait se dérouler sous sa plume. Des mots justes qui s’articulent les uns les autres et dont la ligne mélodique leur révèle la musicalité inhérente. Une telle cohérence émane ainsi, comme si rien ne voulait être gratuit, juxtaposé. Mais qu’importent les analyses… Laissons-nous simplement bercer par les roulis de son souffle, tendus entre l’inspire et l’expire de son corps navigant, qu’elle fait danser, tanguer, aussi…
– Interview –
Comment écris-tu tes chansons? Quelles sont tes sources d’inspiration pour écrire tes textes ?
Les textes, en premier, toujours. Des choses qui me bouleversent, histoires, personnages, souvenirs…
Au préalable de l’écriture d’un album, est-ce que tu réfléchis consciemment à une intention, un point de départ qui donnerait une cohérence au tout? Car sur tes deux albums, l’écriture et ce qui s’en dégage semble être traversée par la même impulsion, et nous attrape comme le ferait un roman (malgré le format morcelé de plusieurs chansons).
Oui, je crois qu’une image mentale directrice me guide tout au long de la conception, même, si elle n’est pas toujours extrêmement précise, dans les premiers temps.
Est-ce un choix délibéré d’insuffler à ta voix parfois davantage d’air sur les chansons de ton dernier album ?
Oui, j’ai cherché un son, en essayent de me débarrasser de vieux tics, qui m’enquiquinaient, des « a » très â, des notes souvent très longues, des consonnes appuyées.
Je pense avoir cherché de l’air, de la fluidité, du mouvement, aussi dans mon interprétation, et ma diction, quelque chose de plus saccadé, de plus dansant, de plus naturel, finalement.
Est-ce que tu lis beaucoup ? Si oui, quoi ?
J’ai lu beaucoup. Beaucoup de romans, plus jeune. Depuis que j’écris, ça a l’air bête, mais je lis moins. Ou disons, que je goûte à ce que je lis.
Il paraît que tu as travaillé avec un chorégraphe pour intégrer le mouvement, sur scène. Quel est ton rapport à la danse? Est-ce que ça t’aide à te libérer sur scène?
Oui, j’ai eu la chance de démarrer un début de travail avec Mic Guillaumes, qui m’a aidé à entamer l’acquisition d’un vocabulaire qui serait le mien, dans le mouvement, comme pour prolonger encore l’intention d’un mot, d’une phrase de musique. J’adore « danser », sur scène, et le reste du temps, mais, je ne suis absolument pas danseuse pour autant, c’est un amusement, une manifestation de joie, une façon de la communiquer.
Chantes-tu beaucoup dans ton quotidien? Est-ce que tu travailles ta voix, techniquement ?
Je chante tout le temps, même sous ma douche…
Oui, je travaille souvent ma voix. Depuis longtemps.
Merci
Magnifique article, la façon dont vous racontez cette expérience est très belle.