Oppositional Defiant Disorder, le nouvel album de White Note, touchant et troublant.

white_noteWhite Note, c’est un style musical post-pop qui s’inscrit dans une démarche ultra-créative. Leur musique est chargée de messages forts qui invitent à la reflexion. Après un premier album en 2011 (Undo Me), et un EP en 2012 (Amito), ils sortent en septembre dernier Oppositional Defiant Disorder. J’ai totalement craqué sur leur univers et leur musique, l’interview était donc incontournable, ready ?

Utiliser le nom d’une maladie mentale pour titrer un album, ce n’est pas chose commune.  Derrière cette idée se cache des convictions joliment défendues par les membres du groupe. Oppositional Defiant Disorder se compose de 10 titres qui alternent entre « passages aériens et rythmiques hypnotiques ».

Certains titres, que j’écoute en boucle, me touchent particulièrement, je pense notamment à Coma, That’s All FolksShima ou encore Nightmare and Hopes. Nicolas BOBLIN, chanteur du groupe, oscille selon les thèmes abordés entre une voix révoltée, puissante ou encore douce, « fragile ». Ses performances vocales ajoutent du cachet à ses interprétations, justes et charismatiques.

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Composition du groupe (de gauche à droite) : Paul JARRET, Antoine KARACOSTAS, Nicolas BOBLIN, Dimitris BOUCHEZ, Sébastien HURTEL.

– Interview –

Vous définissez votre genre musical de « post-pop » à quoi ça correspond exactement ?

« L’idée, c’est qu’on vient du post-rock mais qu’on a toujours été influencés par la pop, peut-être encore plus aujourd’hui. On aime bien cette idée d’après, de futur, d’évolution en somme. Le terme post-pop, ça nous permet d’affirmer notre recherche de nouveauté toute en restant dans la pop. »

Le titre de l’album « Oppositional Défiant Disorder » décrit une maladie mentale, en français « trouble oppositionnel avec provocation » (ou TOP) Pourquoi ce titre ? Qu’est-ce qui vous a amené à aborder ce sujet ?

« Le but du jeu, c’est d’interpeller sur cette « maladie » ainsi que sur les évidences assenées par les experts de la société de manière générale. Selon le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (le DSM), le TOP est « un ensemble de comportements négativistes, hostiles ou provocateurs envers des figures autoritaires ». Nous ne sommes pas docteurs ou psychiatres, mais nous voulons attirer l’attention sur le danger de coller des étiquettes à des enfants dès le plus jeune âge, à plus forte raison quand il s’agit de considérer comme une maladie le refus de l’autorité. On ne dit pas que ça n’existe pas, mais on appelle à la plus grande prudence quant à l’application de ces termes sur des enfants qui n’ont rien demandé. N’oublions pas que les docteurs et les spécialistes ne sont jamais que des êtres humains, que l’erreur est humaine, et que ça n’est pas aux enfants – qui sont l’avenir de la société – d’en faire les frais.

C’est aussi que l’album aborde un certain nombre de sujets tabous, ou en tout cas très peu médiatisés, et que d’une certaine manière, c’est nous les sales gosses qui refusons l’autorité. Alors, on se permet de poser et de se poser des questions, ce que tout le monde devrait avoir le droit de faire. Si tu refuses de parler ou d’entendre parler d’un sujet, c’est probablement que tu as peur d’entendre des réponses qui ne te conviennent ou ne te plaisent pas.

La finalité de ce titre, c’est de rappeler que l’idéal d’un gouvernement totalitaire, c’est d’avoir une population asservie dès le plus jeune âge, qu’il est essentiel de toujours remettre en question les vérités qui nous sont déclamées par des « experts », et qu’il sera toujours primordial de se faire sa propre opinion sans se laisser dicter la sienne. »

Quatuor à cordes, un trio de vents, une chorale, et la chanteuse australienne Phia ont participé à cet album, pourquoi les avoir sollicités ? 

« Le rock est un prétexte à faire de la musique, pour nous. Nous ne voulons pas nous enfermer dans un style précis. N’importe quel type de bruits et d’enchainements de sons nous intéressent. C’est d’abord pour cette raison que nous invitons de plus en plus souvent des musiciens supplémentaires.

Phia_chanteuse
Phia

En amont de l’enregistrement, on avait déjà des idées d’arrangements, même si on ne savait pas encore qui seraient les interprètes ! Parfois, c’est une évidence, comme le quatuor à cordes sur « Coma », avec le glockenspiel et tout le bazar, ou la chorale sur le passage « apocalyptique » de « That’s All Folks ». D’autre fois, c’est l’occasion qui s’est présentée à nous, comme quand on a invité Phia à enregistrer lors de son passage à Paris. Comme elle est l’une des figures de proue du Melodica Festival, dont nous faisons partie, et où tous les artistes forment une grande famille, il nous a paru essentiel qu’elle chante et qu’elle joue du kalimba sur « Plan B » pour appuyer l’aspect amical et chaleureux du titre ! Tout ça donne de beaux moments humains, et je crois que ça s’entend sur l’album 🙂 »

Focus sur mon gros coup de cœur, « That’s All Folks », 1er titre issu de l’album.

« Le monde est maintenant fini, veuillez fermer les yeux et mourir », cette voix-off nous accroche instantanément et nous plonge dans un univers cinématographique, d’où vient cette voix, est-ce un enregistrement tiré d’archives ? d’où vient cette idée ? 

« C’est une phrase écrite par nous-mêmes, et « lue » à l’oral par des voix synthétiques. Le principe est un peu le même que dans « Fitter Happier » de Radiohead sur Ok Computer. Ici, on voulait une voix froide et glaciale, sans aucune émotion, qui dicte en toute cordialité de fermer les yeux et de mourir, comme une injonction évidente à laquelle nous obéirions sans même broncher, à l’instar de toutes ces annonces enregistrées dans la vie de tous les jours. Là aussi, il s’agit de remettre en question l’autorité au sens large du terme : à quel point sommes-nous capables de refuser d’obéir à une injonction qui émane d’une autorité quelconque, si elle met en danger une autre vie humaine, par exemple ? Je pense notamment à la fameuse expérience de Milgram qui oppose obéissance et cas de conscience. »

Le clip « That’s all folks » a été réalisé par Ehsan Mehrbakhsh, peux-tu nous en dire un peu plus sur la genèse de ce clip ? 

« Avec Ehsan, ça a été une formidable rencontre humaine. Son frère est un de mes amis, c’est par son intermédiaire que j’ai fait sa connaissance, et quand j’ai vu son travail, je suis immédiatement tombé sous le charme. Coup de bol, ça a été réciproque ! Je lui ai présenté un story-board que j’avais fait il y a un moment, et on a beaucoup échangé, de gros pavés par mail parfois indigestes, mais c’était nécessaire pour être sur la même longueur d’onde. Il s’est inspiré en partie de mon story-board, mais celui-ci était bien trop proche des paroles, et il l’a largement modifié pour raconter une histoire parallèle au texte. Et ensuite, on s’est mit d’accord sur des détails importants. Par exemple, quand la tête du personnage se métamorphose, il était question qu’elle se transforme en une dague orientale au lieu du pistolet. Or, je ne voulais surtout pas qu’il y ait d’amalgame, ou de raccourci du genre : dague orientale, orient, islam…Alors, on a opté pour un pistolet à la place, une image neutre de la violence humaine. Voilà le genre de choses sur lesquelles on a longuement débattu avant de montrer ce qui nous a semblé le plus juste. »

On sent un vent de rébellion dans cet album, c’était important pour vous d’exprimer vos ressentis à travers votre musique ? Qu’est-ce qui vous révolte le plus aujourd’hui (dans notre société) ?

« Je pense qu’on appartient à une génération qui commence à se poser beaucoup de questions sur notre manière de vivre, sur notre consommation et l’impacte qu’elle a sur autrui, sur ce qu’on fait du monde en somme. On réalise que la technologie et la modernisation n’ont pas que du bon. Personnellement, c’est peut-être aussi la disparition de mon père il y a maintenant 2 ans qui a chamboulé mes certitudes et ma vision du monde. Dans cet album, il y a de la colère humaine, la plupart du temps raisonnée, et parfois plus intuitive. Mais il y a aussi beaucoup d’espoir. C’est un coup de gueule finalement, parce qu’on a l’impression que le monde est en chute libre, et que tout le monde s’en fout.

Les dernières paroles de « That’s All Folks » sont : « ne vous méprenez pas sur mes propos, je n’ai jamais été si fort, je n’ai jamais été incroyable ». C’est ma manière de dire au monde que je ne donne aucune leçon de morale, j’ai bien assez de travail à faire sur moi-même avant de donner des leçons. Balayer devant sa porte avant de balayer devant celle de son voisin 🙂

A ta question « qu’est-ce qui vous révolte le plus aujourd’hui  ?», j’ai envie de te répondre : l’indifférence. Et j’ajoute cette planche assez connue du dessinateur Kadey qui résume parfaitement la situation. »

Kadey

Votre album est sorti en septembre. Aurons-nous la chance de vous voir prochainement sur scène ?

« Oui, vous pouvez venir nous voir à la Bellevilloise le samedi 21 novembre lors de la soirée Peacock Palace, événement multiculturel tellement polyvalent qu’on peut même s’y faire masser ! >>> S’inscrire à l’événement 

Et guettez notre actu sur les réseaux sociaux Site web officiel –  Facebook – Youtube – Soundcloud – Twitter, nous venons tout juste de sortir une jolie cover de The Dø ! »

Merci à Nicolas d’avoir pris le temps de nous expliquer leur démarche artistique                     et intellectuelle.

To be continued…

Cette publication a un commentaire

  1. White Note

    Un petit mot pour vous préciser que le concert de samedi à la Bellevilloise est maintenu, afin de hurler notre plus profond mépris à ces enfoirés.

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